Marketing d’influence: de l’effet de mode au passage obligé Comment utiliser les avantages et trouver la stratégie adaptée
Après des débuts tumultueux, le marketing d’influence est devenu incontournable dans de nombreuses campagnes cross-média. Cependant, les attentes sont plus fortes. Notoriété et couverture, à elles seules, ne suffisent plus. Les content creators doivent être encore plus authentiques, encore plus en phase avec le marché et travailler de façon encore plus professionnelle.

flavioleu plaisante en dialecte suisse-allemand sur le bon vieux Revella jaune que personne n’aime «legendäre Rivella Gäll, wo niemerd gärn gha het», streusel.ch cuisine des «muffins Rivella super moelleux et légers» avec le nouveau Rivella jaune lancé en 2024 et hoi.manuel transforme le bâtiment principal de l’université de Zurich en une gigantesque bouteille de Rivella, jaune, bien entendu.
L’an dernier, 14 influenceuses et influenceurs ou content creators ont aidé à lancer le nouveau Rivella jaune et ont placé les messages «tout végan» et «avec moins de sucre» auprès de leurs followers. Concernant la motivation de miser sur le marketing d’influence, Andrea Murer, Social Media & Content Marketing Manager chez Rivella indique: «Le marketing d’influence permet d’une part d’atteindre efficacement des groupes cibles de manière authentique, personnelle et sur un pied d’égalité et d’autre part de générer une couverture et une visibilité rapides». De plus: «Selon moi, les influenceuses et influenceurs font pleinement partir de toute stratégie marketing visant à faire connaitre une nouvelle marque ou un nouveau produit.»
Avec cette campagne, Rivella suit la tendance générale d’un accroissement du marketing d’influence. Dès 2021, un an après l’expansion du numérique liée au Covid, la revue spécialisée «Die Volkswirtschaft» estimait le volume du marché pour le marketing d’influence à 1 milliard de francs en Allemagne, en Autrice et en Suisse, la part de la Suisse s’élevant à 150 millions. Prévisions pour 2027 à cette période: un volume du marché de près de 5 milliards de francs.
Influencer les achats avec authenticité
Bien que, selon l’atlas allemand des médias sociaux, l’importance des influenceuses et influenceurs ait diminué en 2024 pour la première fois depuis des années, ils ont encore leur mot à dire, en particulier auprès des groupes cibles les plus jeunes. Ceci concerne en premier lieu la mode, les cosmétiques, la beauté et les soins du corps, les champs d’activité classiques des influenceuses et influenceurs.
En 2024, Forrester parvient également à la conclusion que les influenceurs sur les médias sociaux sont devenus le canal disposant du budget le plus élevé en Europe et aux États-Unis. Ce phénomène ne se limite pas au monde occidental: il représente une tendance globale, la Chine étant dans ce domaine le marché le plus important. 72% des entreprises allemandes qui ont répondu à l’enquête du Bundesverband Influencer Marketing (syndicat fédéral du marketing d’influence) et de l’agence Influencer 360 déclarent vouloir accroître leur investissement dans le marketing d’influence en 2025 par rapport à l’exercice précédent, 18% d’entre elles, très fortement.
Dorénavant, le taux de couverture des plateformes de médias sociaux sur lesquelles les influenceuses et influenceurs trouvent leur communauté est comparable à celui de la publicité télévisée dont la domination était jusqu’à présent incontestée. Alors que la télévision attire un public toujours plus restreint et toujours plus âgé, les plus jeunes sont accessibles via les médias sociaux. En 2023, 78% des minutes passées devant la télévision en Allemagne l’ont été par des personnes de 50 ans et plus. Cinq ans auparavant, cette part était encore de 66%, constate la plateforme sectorielle W&V. Autre point en faveur des médias sociaux en tant que canal de distribution: le ciblage plus précis, qui permet une segmentation plus fine des groupes cibles par rapport au canal télévisuel. De plus, les médias sociaux attirent désormais non seulement les jeunes, mais aussi des personnes de plus de 40 ans.
Dissonances dans le marketing d’influence
Le succès du marketing d’influence ne va pas sans critiques. Une étude des autorités allemandes chargées des médias publiée en 2024 montre qu’une forte majorité des utilisatrices et utilisateurs de 16 ans et plus considère la publicité sur les médias sociaux comme problématique et qu’elle est moins appréciée que celle à la télévision, à la radio ou dans les podcasts. La critique concerne la publicité venant des influenceuses et influenceurs, qui est rejetée principalement par les plus âgés. Cette étude constate également que leurs recommandations et évaluations des produits ne sont «pas nécessairement considérées comme crédibles».
La crédibilité du marketing d’influence a été entamée non seulement par le manque de transparence des coopérations rémunérées, mais aussi du fait de posts racistes, sexistes et nationalistes, ainsi que de la propagation non critique de fake news.
En réponse aux retombées négatives liées au succès du marketing d’influence, la Suisse a vu se créer par exemple le Conscious Influence Hub. Cette organisation a rédigé un code de conduite qui appelle les influenceuses et influenceurs ainsi que les content creators à prendre davantage conscience des effets potentiels de leurs publications et à en assumer la responsabilité. La mission de cet organisme à but non lucratif «consiste à promouvoir les valeurs fondamentales que sont le respect, l’empathie et la transparence dans la sphère d’influence des réseaux sociaux».
Toujours plus professionnel
Les influenceuses et influenceurs ne subissent pas uniquement la pression d’attentes éthiques plus élevées. «Ils portent sur leurs épaules un grand nombre de responsabilités», affirme Tanja Herrmann de l’agence House of Influence, qui a réalisé la campagne Rivella. La signification grandissante de ce canal a pour corolaire que le succès dépend davantage d’elles et eux.
Par ailleurs, le marketing d’influence exige davantage de compétences techniques de la part des content creators. Les temps où ils recevaient un produit et produisaient ensuite une vidéo selon leurs envies sont révolus. Pour toute collaboration, les agences et les donneurs d’ordre exigent que les contributions véhiculent les messages prédéfinis et soient en conformité avec la marque ou le produit. Il est désormais d’usage que les influenceuses et les influenceurs rédigent des scripts qui sont validés par les donneurs d’ordre. Et enfin, la qualité du matériel doit être au rendez-vous: des images nettes sans tremblement et un son clair représentent la norme absolue. C’est pourquoi, dans le marketing d’influence, les équipes de tournage avec un équipement professionnel ont remplacé les séquences autofilmées avec une perche à selfy et les vidéos sont retouchées en post-production après le tournage.
«De nombreux content creators sont devenus des autoentrepreneurs», constate Tanja Herrmann. L’augmentation des coûts qui en découle se répercute sur les prix: on peut certes encore trouver des contributions sur TikTok pour 300 francs, mais elles peuvent aussi atteindre 4000 francs. Les prix des vidéos sur Instagram varient entre 350 et 2500 francs. L’augmentation des prix montre que le secteur a conscience de la valeur de ses chiffres médias.
Adapter au public cible
Malgré cette professionnalisation, l’authenticité reste le critère le plus important pour engager des influenceuses et des influenceurs sur une campagne. Dans ce contexte, les clins d’œil d’un flavioleu qui se moque de son donneur d’ordre Rivella ne dérangent pas le moins du monde. Au contraire: «les médias sociaux se nourrissent d’authenticité et de sincérité. Les plaisanteries sur le bon vieux Rivella jaune sont permises», explique Andrea Murer de Rivella, «nous prenons la chose avec humour et le nouveau Rivella a bon goût.» 😉Par ailleurs, les influenceuses et les influenceurs «correspondent au groupe cible recherché, représentent les mêmes valeurs que la marque et surtout, sont personnellement convaincus par le produit».
En résumé, «il faut une adéquation entre la marque et le contenu», comme le souligne Tanja Herrmann. C’est pourquoi les influenceuses et les influenceurs riches d’une communauté qui compte des centaines de milliers, voire des millions de followers ne sont pas nécessairement les plus demandés. Les agences suisses qui planifient une campagne de marketing d’influence misent plutôt sur des micro-influenceurs regroupant au plus 5000 followers ou des nano-influenceurs qui comptent au plus 1500 followers.
Ainsi, House of Influence a travaillé pour Rivella avec des influenceurs adaptés dont le nombre de followers était compris entre 2672 et 298 000. Il était important pour l’agence de gagner des influenceurs qui étaient directement concernés par une intolérance ou une hypersensibilité au lactose et qui pouvaient de ce fait commercialiser le Rivella végan de manière crédible. Avec des content creators dans les secteurs Comedy, Food et Lifestyle, House of Influence voulait «toucher tous les univers» et positionner Rivella jaune non seulement comme une boisson végane, mais aussi comme une boisson tendance, avec une teneur en sucre réduite. Ce choix de critères de fonds fait de toutes façons sens dans le marketing d’influence, car les algorithmes des reels Tik Tok et Instagram diffusent les vidéos en fonction des centres d’intérêt des utilisateurs. Un effet annexe positif de ce «mélange varié»: House of Influence a reçu un «très grand nombre d’idées créatives».
Types d’influenceuses et influenceurs: l’avenir appartient aux petits
Une autre raison de travailler avec des micro ou nano-influenceurs dans le marketing d’influence concerne la taille de la Suisse, avec ses trois régions linguistiques. «Nous devons travailler de façon bien plus granulaire chez nous», affirme Tanja Herrmann. Nombre d’influenceuses et d’influenceurs qui veulent élargir leur communauté, n’ont d’autre choix que de gagner des followers en Allemagne ou en France. Les entreprises exclusivement actives sur le territoire suisse qui recherchent une collaboration avec ces influenceurs internationaux doivent prendre en compte les pertes de diffusion.
La start-up Refluenced a développé un modèle commercial qui tient compte de cette tendance à choisir des micro ou des nano-influenceurs. Sa plateforme met en contact les entreprises et les influenceurs correspondants et leur propose une fonction de matching basée sur les données et la technologie. Elle simplifie grandement le processus, tout en permettant d’effectuer des «décisions manuelles».
«L’intérêt est grand des deux côtés», indique Quirin Hasler, l’un des fondateurs de Refluenced. À la fin 2024, près de 1000 campagnes avaient été lancées. Refluenced s’appuie sur un modèle par abonnement. Les entreprises paient entre 499 et 999 francs par mois pour utiliser la plateforme. Hasler prédit que les «micro et nano-influenceurs seront majoritaires à l’avenir sur les plateformes sociales et qu’ils les façonneront plus que les grandes influenceuses et les grands influenceurs».
Rivella a également démarré avec succès une campagne avec de petits influenceurs via la plateforme Refluenced pour le lancement de Rivella jaune. En quelques semaines, l’entreprise avait travaillé avec 20 influenceuses et influenceurs qui publièrent un reel et trois stories. Ici aussi, l’événement a donné lieu à différents contenus authentiques confortés en parallèle par des publicités de partenariat dans le marketing de performance. Andrea Murer: «Nous avons pu, de cette manière, atteindre un taux de couverture impressionnant de manière authentique avec de petits influenceurs.»
Configurations cross-média
Le marketing d’influence n’est plus une mesure isolée, il est de plus en plus intégré dans une chaîne cross-média. Il sert à sensibiliser et à atteindre la cible appropriée. Dans la campagne Rivella, les canaux organiques des influenceuses et influenceurs et de l’entreprise ont été mis à contribution en premier. Ces posts Collab n’ont pas touché uniquement les personnes déjà au fait de la culture suisse des boissons, mais aussi celles qui n’en avaient jamais bu une gorgée. Dans une étape suivante, Rivella a fait la promotion des posts organiques à l’aide de publicités payantes sur les médias sociaux.
Les deux étapes représentaient un «grand feu d’artifice de mesures», raconte Andrea Murer. On a vu ainsi un tram Rivella jaune traverser Berne et Zurich, des affiches et des méga-posters ont été collés, des spots TV diffusés une édition de 20 minutes composée en jaune, des promotions POS mises en place et des publicités diffusées en ligne. Ce mélange de canaux intégrait enfin une très large distribution d’échantillons: Rivella a servi sa boisson sur des festivals et a mandaté la Poste au printemps 2024 pour distribuer une première vague de 20 000 litres. Une deuxième vague fin novembre a diffusé 40 000 litres d’échantillons en Suisse orientale. Pour assurer le succès d’une nouvelle boisson comme Rivella jaune, il est essentiel «d’amener la nouvelle saveur sur la langue des consommatrices et des consommateurs», comme l’explique Andrea Murer.
Chiffres du succès
Les posts des influenceuses et influenceurs Rivella ont totalisé trois-quarts de million de vues. «Nous sommes satisfaits du résultat par rapport à l’investissement», déclare Andrea Murer.
Mais la couverture n’est pas le seul critère de réussite pour le marketing d’influence. House of Influence a pris également en compte d’autres métriques comme le sentiment, l’engagement et la durée de visite. Le sentiment montre la tonalité des contributions et des posts et peut être collecté via une analyse de texte automatique. L’engagement indique le nombre de likes, de commentaires et de partages générés par une contribution et en fonction de la durée de visite, il est possible de dire si un contenu est parvenu à intéresser la communauté.
La durée de visite des posts de la campagne Rivella était en moyenne de 13 secondes. Pour Tanja Herrmann, il s’agit là d’une «valeur fantastique». En règle générale, les personnes restent au plus 2 secondes sur un post avant de passer au suivant.
Les «saves», le nombre de contributions enregistrées, constituent une autre valeur qui indique la pertinence d’un post. Le trafic généré sur les sites mis en lien, les chiffres de vente d’un produit promu, le taux de conversion et la notoriété de la marque servent également de critères de mesure de la réussite dans le marketing d’influence. Des outils d’analyse spécifiques aux médias sociaux et aux sites web (Google Analytics), un outil GRC, une enquête ou le social listening permettent de les collecter.
Le ROI (Return on Investment) d’une campagne permet de savoir si l’investissement consenti dans le marketing d’influence a été rentable. Il se calcule sur la base de différents chiffres clés:
- Cost per Engagement (CPE) / coûts par engagement (likes et commentaires). Le CPE est calculé en divisant les coûts totaux de la campagne d’influence par le nombre d’engagements générés.
- Cost per Acquisition (CPA) / coûts par acquisition ou acquisition de nouveaux clients. Le CPA est la somme de toutes les dépenses divisée par le nombre de conversions. Ceci comprend p. ex. les achats, les souscriptions et les téléchargements.
- Return on Ad Spend (ROAS) / Rendement des dépenses publicitaires. Pour calculer le ROAS, on divise le C.A. réalisé par les coûts de la campagne d’influence.
À qui l’avenir appartient-il?
La professionnalisation des content creators et l’intégration du marketing d’influence dans les campagnes cross-média marquent-elles la fin du développement? Ou bien l’avenir appartient-il ici aussi à l’intelligence artificielle? Allons-nous rencontrer plus fréquemment des personnages virtuels comme Emma?
L’influenceuse IA intervient depuis peu comme support publicitaire pour promouvoir l’Allemagne en tant que destination touristique. Elle a l’apparence et la voix d’une jeune femme qui, selon son site web, vit à Berlin, travaille en tant que freelance dans le marketing en ligne et dispose ce faisant d’une liberté suffisante pour «sacrifier à sa grande passion: les voyages» et pour en faire le compte-rendu. Emma a ainsi visité les hauts lieux du tourisme comme la Speicherstadt d’Hambourg, l’église Notre-Dame de Dresde et les «Germany’s Magical Christmas Markets» (les marchés de Noël féériques). Et avec succès, visiblement: son compte Instagram (en anglais) était suivi par plus de 8500 abonnés fin avril 2025.