Les natifs numériques et les médias

Les natifs numériques et les médias Nouer un dialogue avec les jeunes consommateurs

Commerces de détail, banques, organisations à but non lucratif: pour la plupart des secteurs, les natifs numériques représentent désormais un groupe cible incontournable. Leur utilisation des médias se démarque fortement de celle des autres groupes de la population et nécessite ainsi une communication spécifique. Philip Zsifkovits et Peter Schäfer de l’agence Wunderman Thompson nous expliquent comment faire la différence.

Deux jeunes femmes sont assises à un café et regardent quelque chose sur leur smartphone
Pour atteindre les natifs numériques, il faut miser sur des contenus «snackables» qui peuvent être partagés sur les médias sociaux.

Wunderman Thompson publie chaque année le Media Use Index, qui analyse également la façon dont les natifs numériques utilisent les médias. D’après vous, quelles sont les différences majeures entre l’utilisation des médias par les natifs numériques et celle qui en est faite par les autres groupes de la population?

Philip Zsifkovits (PZ): La différence se situe avant tout au niveau des appareils et des canaux utilisés, comme le montre la forte prédominance du smartphone et des médias sociaux. Certains réseaux sociaux sont toutefois plus populaires que d’autres: les plateformes ne sont en effet pas les mêmes selon les groupes d’âge.

Peter Schäfer (PS): Les natifs numériques utilisent avant tout les médias pour communiquer et se divertir, notamment via des photos, de la musique ou des vidéos. Par ailleurs, on a pu observer que même si la jeune génération utilisait ces médias de manière plus régulière, la durée de ces sessions était souvent plus courte.

Quels sont les résultats du dernier Media Use Index (qui fête son dixième anniversaire cette année) qui vous ont surpris?

PS: Nous avons été particulièrement étonnés par l’évolution tout à fait critique qui a pu être observée en ce qui concerne la crédibilité des influenceurs par rapport aux médias classiques. Près d’un quart des natifs numériques considèrent que les influenceurs sont plus crédibles que les médias traditionnels.

Comment l’importance des influenceurs pour les natifs numériques a-t-elle évolué au cours des dernières années?

PZ: La jeune génération a entre autres commencé à prendre conscience du fait que les influenceurs gagnaient de l’argent grâce à leur activité. Leur état d’esprit a évolué, notamment en raison d’une meilleure identification de la publicité et du sponsoring. Les jeunes Suisses sont à la recherche d’authenticité et d’une certaine justesse. Lorsque l’association entre un influenceur et une entreprise, une marque ou un produit ne leur convient pas, cette attente n’est pas remplie de manière satisfaisante. Cela peut dès lors décrédibiliser l’influenceur, qui voit alors le nombre de ses followers reculer.

PS: L’univers des influenceurs s’est entretemps développé de manière très spécifique. Le marketing d’influence ne fonctionne plus tout à fait de la même façon qu’auparavant, et on peut ainsi observer une multiplication des partenariats avec des micro-influenceurs. Lorsqu’une marque et un influenceur partagent les mêmes valeurs, ce dernier peut se transformer à moyen terme en ambassadeur crédible pour la marque en question. On peut donc parfaitement envisager que l’importance des influenceurs continuera de croître selon les évolutions et les usages.

Comme vous l’avez déjà mentionné, la prédominance du smartphone et des médias sociaux chez les natifs numériques a été clairement établie dans votre étude. Comment les entreprises peuvent-elles tirer parti de cette situation pour s’adresser au groupe cible des jeunes?

PZ: Elles doivent élaborer des contenus adaptés et les diffuser sur les canaux et les plateformes populaires auprès des natifs numériques. Cette génération est plus fréquemment sur Internet, mais les sessions sont plus courtes. Elle a tendance à faire défiler les contenus et à moins lire ceux-ci. Il est ainsi nécessaire de créer des contenus simples et «snackables» qui peuvent être partagés sur les médias sociaux. Par ailleurs, les jeunes sont plutôt prêts à interagir avec les marques et les annonceurs lorsque cela les divertit et leur offre une valeur ajoutée, par exemple par le biais de conseils, d’un concours ou d’une prévente exclusive.

Si les natifs numériques sont prêts à interagir avec les entreprises, c’est également une bonne nouvelle pour le marketing de dialogue physique. Quelle est l’importance de celui-ci pour la nouvelle génération, et notamment celle du publipostage adressé?

PZ: Nous n’avons pas explicitement étudié l’impact du publipostage adressé dans le Media Use Index. Je peux toutefois aisément imaginer que les mécanismes et comportements fondamentaux qui ont été évoqués sont également valables ici. Le publipostage physique en tant que média présente certaines particularités. Les contenus sont notamment moins faciles à partager que sur les médias numériques. Il faut plus d’un clic pour les partager et les liker. Il est toutefois possible de jouer sur ces particularités, en intégrant par exemple des éléments haptiques physiques. On peut également créer un pont entre le monde physique et le monde numérique, notamment par le biais d’un code QR.

Les moyens publicitaires physiques doivent-ils répondre à des exigences différentes de celles qui s’appliquent aux canaux numériques pour attirer l’attention des natifs numériques?

PZ: Les exigences sont en principe similaires. Les possibilités ne seront toutefois pas les mêmes selon les moyens publicitaires (physiques ou numériques): ceux-ci n’atteindront pas les personnes ciblées de la même façon et, comme nous l’avons évoqué un peu plus tôt, leur mise en œuvre sera également différente. Il est évident qu’il est difficile d’intégrer des vidéos et de la musique dans des moyens publicitaires physiques. Ceux-ci peuvent se démarquer en proposant d’autres types d’expériences et en jouant par exemple sur les sensations haptiques ou olfactives. L’expérience offerte avec les échantillons de produits ne sera pas non plus la même selon le canal utilisé. Enfin, l’objectif de la communication ainsi que la mise en œuvre et la préparation appropriées des contenus jouent également un rôle essentiel. Dans ce contexte, il est toujours intéressant d’associer des mesures en ligne et hors ligne.

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Quelle stratégie recommanderiez-vous aux entreprises qui souhaitent atteindre les natifs numériques le plus efficacement possible à l’aide d’une approche cross-média?

PS: Il n’existe aucune stratégie universelle. Les natifs numériques sont toutefois sensibles à l’expérience client proposée et au langage utilisé. Ils souhaitent vivre une expérience client rapide et cohérente.

PZ: Les natifs numériques accordent une grande importance à la commodité: tout doit fonctionner de manière simple et confortable. L’expérience client doit être optimale sur tous les canaux, et la transition entre les points de contact en ligne et physiques doit être fluide. Pour offrir cette expérience client globale, les entreprises doivent considérer le processus d’achat en adoptant le point de vue de leurs clientes et clients.

PS: Le smartphone de bon nombre de natifs numériques fait par exemple office d’assistant en boutique. Cela peut s’intégrer de diverses manières dans l’expérience client: lors du paiement en caisse, dans le cadre d’un programme de fidélité numérique ou encore pour mettre des informations complémentaires ou des vidéos explicatives sur un produit à la disposition des clients. À l’inverse, une entreprise peut également utiliser une plateforme numérique pour donner des informations sur l’offre proposée par un magasin physique à proximité. Le client doit à ce titre être accompagné sur les différents points de contact; il ne doit pas avoir à recommencer son parcours à chaque étape.

PZ: J’aimerais revenir sur le langage, que ce soit pour le texte ou les images: il est nécessaire d’adapter le contenu à l’âge. Il doit donc être percutant, «snackable» et partageable.

Les changements importants en matière d’utilisation des médias qui ont été documentés par le Media Use Index au cours des dix dernières années concernent tout particulièrement les organisations à but non lucratif. Quelle orientation devraient-elles donner à leurs collectes de fonds?

PZ: Elles doivent s’adapter à ces nouvelles manières d’utiliser les médias. Les organisations à but non lucratif peuvent utiliser les différents médias, canaux et possibilités d’utilisation pour donner des explications, attirer l’attention et sensibiliser à une thématique, et cela est bien évidemment pertinent pour les collectes de fond. En fonction de la taille ou de la cause de l’organisation à but non lucratif, des coopérations pourraient également s’avérer très intéressantes. Il est également possible d’intégrer des mécaniques de jeu dans une collecte de fonds auprès des natifs numériques, par exemple sous la forme d’un challenge.

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