Les prix unitaires, une bonne stratégie tarifaire? Éléments à prendre en compte par les fournisseurs multicanaux lors du pricing
À l’heure actuelle, les prix peuvent être comparés facilement avec l’e-commerce. La plupart des clients s’attendent à des prix unitaires des fournisseurs sur tous leurs canaux. Les charges peuvent néanmoins varier fortement selon les canaux pour les entreprises. Cela pose la question de la bonne stratégie tarifaire. Analyse de deux experts.
De nombreux suisses sont de vrais rats de bibliothèques. Qu’ils achètent le dernier roman policier en ligne ou dans une filiale stationnaire de la même entreprise n’a pas d’importance: ils paient le même prix, du moins chez les fournisseurs les plus importants. Les principaux acteurs du marché du livre ont en effet opté très tôt pour des prix unitaires sur tous les canaux lors de leur pricing. Dans les autres secteurs, la plupart des entreprises misent désormais également sur cette stratégie tarifaire. La situation était bien différente jusqu’à il y a quelques années encore: chez de nombreux fournisseurs, les prix variaient, par exemple, entre la boutique en ligne et les points de vente physiques, et même entre les différentes filiales. Une telle politique tarifaire se fonde également sur de bonnes raisons. Définir une stratégie tarifaire dans la vente transcanal ne signifie donc pas se contenter de fixer des prix. Lors du pricing, il s’agit surtout de concilier les considérations liées au rendement et l’approche centrée client.
Comparaison des deux stratégies tarifaires
1. Standardisation du prix
Dans cette stratégie, l’entreprise applique des prix unitaires: un produit ou un service coûte la même chose sur chaque canal. Pour les clientes et les clients, la transparence est ainsi totale.
- La stratégie tarifaire répond aux attentes de la plupart des clients existants et potentiels.
- Une philosophie multicanaux peut être mise en œuvre de manière systématique: si les prix sont unitaires, les clients évoluent dans le Customer Journey sans conflit entre les canaux.
- La pleine transparence des prix unitaires accroît la confiance des clients.
- Les coûts tendanciellement plus élevés du commerce stationnaire ne sont pas intégrés dans les prix selon le principe de causalité lorsque les prix sont fixes.
- Avec les prix unitaires, aucune évolution spécifique aux canaux n’est possible sur le marché selon le principe de l’offre et de la demande: les prix appliqués doivent être maintenus, même en cas de demande forte sur un canal.
2. Différenciation des prix
Dans cette stratégie, les prix varient en fonction du canal. Elle permet généralement aux clients de trouver en ligne un prix particulièrement bas. D’une part, parce que la concurrence et la pression sur les prix sont plus importantes dans l’e-commerce que dans le commerce physique. D’autre part, parce qu’il est plus facile pour les magasins de fournir une valeur ajoutée, via le service, le conseil et les possibilités de test, pour laquelle le client est disposé à payer un prix plus élevé. Mais le cas contraire est également envisageable: la livraison à domicile, par exemple, constitue également une valeur ajoutée susceptible de justifier, en fonction du produit, un prix tout aussi élevé dans la boutique en ligne. Ou alors, l’entreprise fixe volontairement des prix en ligne plus élevés pour drainer davantage de clients vers les filiales, stratégie adoptée pendant un certain temps par le détaillant américain Walmart.
- Les coûts varient en fonction des canaux de vente. Il est alors logique que ces coûts soient pris en compte dans le prix, notamment les charges de personnel plus élevées dans les filiales ou encore les frais de logistique accrus pour certaines offres en ligne.
- Dans la mesure où la disposition à payer du groupe cible sur les différents canaux est connue, elle peut être exploitée via des prix spécifiques aux canaux. C’est une manière d’optimiser le rendement.
- Avec ce type de pricing, les entreprises peuvent répondre à la situation concurrentielle sur les différents canaux.
- Le comportement des consommateurs ou le choix du canal d’achat peuvent ainsi être gérés encore un peu plus finement.
- La stratégie tarifaire facilite un pricing dynamique: les effets d’une adaptation du prix sur la demande peuvent ainsi être testés sur un canal déterminé sans qu’il faille ajuster les prix sur tous les canaux.
- Les clients veulent des prix unitaires.
- Si la stratégie tarifaire se répand, il est tout à fait possible que les groupes cibles sensibles au prix se détournent complètement du fournisseur. Car ils cherchent systématiquement le prix le plus avantageux.
- Cette approche peut avoir des conséquences négatives sur la relation avec les clients existants, par exemple lorsque les clients découvrent des différences de prix après l’achat et se sentent ainsi floués.
- Lorsque le prix en fonction des coûts d’un produit varie sur les canaux, la mise en œuvre en termes de communication devient plus difficile et sujette à erreurs.
- Des prix bas dans les boutiques en ligne peuvent accélérer l’abandon des points de vente physiques, ce qui en réduit encore la rentabilité.
La bonne stratégie tarifaire: ce qu’en disent des experts
Selon une étude d’Andreas Krämer, professeur de politique des prix et de CRM à l’University of Europe for Applied Sciences et CEO de la société exeo Strategic Consulting AG, la grande majorité des clients souhaitent des prix unitaires sur l’ensemble des canaux de vente: «Deux personnes interrogées sur trois déclarent que les prix devraient être les mêmes dans les magasins physiques et dans les boutiques en ligne lorsque les produits sont identiques.» Mais cette attente est également toujours déterminée par la perception des différences de prestation. Andreas Krämer recommande aux entreprises de tenir compte de trois aspects lorsqu’elles définissent leur politique des prix: «L’important, en premier lieu, est de déterminer dans quelle mesure les clients achetant en ligne ou en point de vente physique constituent des groupes de personnes identiques ou présentant de fortes plages d’équivalence. En deuxième lieu, il s’agit d’analyser les différences en termes de concurrence sur le canal en ligne et sur son homologue physique. Enfin, les commerçants doivent examiner l’impact positif d’une renonciation à une différenciation des prix sur la fidélité de la clientèle, pour la bonne raison que les prix unitaires créent un climat de confiance.»
Thomas Lang, CEO de la société Carpathia AG, conseille des entreprises en matière d’activités numériques. Il ne connaît plus aucun secteur qui appliquerait la différenciation des prix: «L’omnicanal s’oppose aux prix spécifiques aux canaux. Si un client commande, par exemple selon le principe du «click and collect», un produit en ligne et qu’il le retire dans une filiale, le prix doit être impérativement identique sur les deux canaux.» En revanche, selon Thomas Lang, des promotions sur un seul canal sont tout à fait envisageables. Le prix normal du produit reste ainsi toujours le même. Et qu’en est-il d’un prix plus élevé en raison d’un service particulier, en l’occurrence pour un conseil de spécialiste dans un magasin de sport? «Ces prestations constituent un argument de vente fort, qui peut tout à fait se matérialiser par un prix plus élevé – non vis-à-vis des autres canaux propres, mais à l’égard de la concurrence. Les clients devraient pouvoir bénéficier de ce service de pointe également en ligne, de sorte qu’un prix plus élevé du produit se justifie également sur les autres canaux. L’expert en e-commerce évalue la plage de tolérance du supplément du prix pour l’excellence du service rendu à environ 10 à 15%. Il va de soi que cette valeur varie fortement selon la branche: «Au fil des années, les commerçants identifient des valeurs empiriques et s’adaptent peu à peu à la disposition à payer de leurs clients.»