Reciblage: redémarcher les utilisateurs

Les internautes ont parfois besoin d’un petit coup de pouce. S’ils interrompent un achat en ligne, le reciblage peut les inciter à l’accomplir. Daniel Hünebeck, un expert du numérique, nous explique l’essentiel. Il nous parle de diffusion, de cookies et de troubles du sommeil.

Quand avez-vous pour la dernière fois acheté un produit suite à un reciblage?

Daniel Hünebeck: À ce jour, jamais. Cela montre bien qu’il ne faut pas tirer de conclusions à partir de sa propre expérience. Le fait que tant de grandes sociétés misent actuellement sur le reciblage est une preuve de son impact.

Comment fonctionne le reciblage, ou le remarketing comme on l’appelle souvent?

Il donne la possibilité de démarcher à nouveau des utilisatrices et utilisateurs qui ont surfé sur votre site Internet ou votre boutique en ligne, mais qui n’ont pas effectué l’action souhaitée. Pour ce faire, le comportement des utilisateurs est tracé à l’aide de cookies, ce qui permet de les identifier lors d’une visite ultérieure. On peut ainsi envisager de leur proposer des publicités adaptées.

Quand le reciblage a-t-il le plus d’impact?

Son objectif est très souvent d’inciter les internautes à conclure un achat interrompu. Pour y parvenir, la publicité doit être la plus pertinente possible et se rapprocher au plus près de leurs besoins. Les grandes plateformes de réservation d’hôtels en donnent un bon exemple. Au moment du reciblage, elles soumettent en principe des offres qui correspondent précisément à la recherche abandonnée. Elles doivent donc réfléchir aux propositions à mettre en avant pour que la cliente ou le client y donne suite. La présentation d’offres parfois totalement inadaptées démontre la complexité de cette question et des algorithmes créés pour y répondre.

Par exemple?

Si vous cherchez une chambre à Berlin pour 500 francs la nuit, vous accordez manifestement de l’importance au confort. Lors du reciblage, on vous montrera éventuellement, en plus d’un hôtel cinq étoiles, un trois étoiles au prix promotionnel de 100 francs. Vous pourrez alors vous demander si ce site pense vraiment que ce type de chambre vous intéresse. Mais la règle de l’algorithme est probablement de toujours proposer une offre à tarif promotionnel, car de nombreux clients et clientes au profil similaire y réagissent.

Le reciblage est-il particulièrement intéressant dans certains secteurs?

Les branches prédestinées sont celles dont le processus d’achat est long, avec des dépenses relativement élevées par commande. Comme le secteur des voyages, déjà mentionné. En effet, entre la première idée d’un voyage et sa réservation, il s’écoule facilement un mois, voire plus. Avant de prendre sa décision, le groupe cible effectue généralement des recherches poussées. Durant cette période, les prestataires ont de nombreuses occasions de dire à l’internaute qu’ils savent ce qu’il recherche. De plus, la valeur du panier moyen dans cette branche est nettement plus élevée que dans la mode, par exemple.

Quelle procédure recommandez-vous aux entreprises pour obtenir du succès avec le remarketing?

Commencer par les deux géants Google et Facebook est le plus facile, tout simplement en raison de leur énorme portée. Lorsqu’on se lance dans le reciblage, il faudrait d’emblée accorder une grande attention à la création. On voit souvent des bannières créées automatiquement, dont le texte est coupé après un certain nombre de caractères, ce qui ne donne pas une bonne image de la marque. Je conseille donc d’y prendre garde. Un autre conseil: soyez convaincant par votre excellence opérationnelle.

Qu’entendez-vous par là?

Il faut que les processus derrière le reciblage soient maîtrisés. Par exemple, les produits proposés doivent réellement être à disposition, et rapidement. J’étais à la recherche d’un adaptateur; j’ai vu pendant des semaines la publicité d’un grand distributeur suisse pour cet article précis. Mais il n’a jamais été disponible.

De plus en plus de navigateurs bloquent les cookies et les traceurs. En outre, les clauses de non-responsabilité, toujours plus présentes, incitent à refuser les cookies. Le reciblage à l’aide de ces outils en est-il déjà au point mort?

Non. Non, mais il perd peu à peu de son intérêt, car sa pénétration diminue. Aujourd’hui, de nombreux utilisateurs choisissent l’option «Accepter uniquement les cookies nécessaires». Comme ceux utilisés pour le reciblage n’en font pas partie, il n’est plus possible de toucher ces personnes par ce biais. Ce n’est pas un hasard si l’acceptation du traçage et du ciblage baisse. En effet, bien des utilisatrices et utilisateurs sont dans le même cas que moi récemment: je cherchais un matelas en ligne. Immédiatement, mon flux Facebook ne m’a plus rien montré d’autre que des informations sur les troubles du sommeil. Mais non, je n’ai pas de troubles du sommeil! Aujourd’hui, le ciblage est souvent exagéré. D’une part, cela conduit le monde politique à en limiter les possibilités par des lois. D’autre part, les développeurs de navigateurs et les groupes technologiques reconnaissent qu’en renonçant au traçage, ils sont perçus positivement par leurs groupes cibles et gagnent des parts de marché.

Comment le ciblage fonctionnera-t-il à l’avenir sans cookies? Le reciblage sera-t-il remplacé par d’autres types de ciblage, comme le ciblage contextuel ou le géociblage?

Je trouve le ciblage contextuel passionnant. Ces dernières années, on disait de ceux qui adaptaient la publicité au contexte qu’ils étaient dépassés. Mais le marketing contextuel a évolué. Pour rester dans mon exemple: si je m’informe sur les matelas et que l’on me propose de la literie, je peux l’admettre et cette publicité ne me dérange pas. Pour autant que les annonces cessent dès que je quitte les sites consacrés à ce sujet. Si la publicité est diffusée alors que je me suis rendu sur un site de sport et que je me consacre entièrement au football, elle m’accroche dans un contexte totalement faux, et ça m’agace.