À nul autre pareil – Sir John Hegarty

À nul autre pareil – Sir John Hegarty Publicitaire et fondateur de l’agence Bartle Bogle Hegarty

Sir John Hegarty est une légende de la publicité. Le «chevalier de la créativité» a notamment marqué l’image de Levi’s et de Johnny Walker, établissant ainsi de nouveaux standards. Il est également connu pour ses interventions où il dit franchement et librement ce qu’il pense être bon et juste dans la publicité.

Portrait Sir John Hegarty
Sir John Hegarty, fondateur de l’agence culte britannique Bartle Bogle Hegarty, est l’une des icônes publicitaires les plus performantes et les plus créatives du monde.

Lorsque Sir John Hegarty apparaît en public, on peut être sûr d’une chose: il ne mâchera pas ses mots. Ne vous laissez pas leurrer par son attitude jeune et décontractée, que ses 79 ans n’ont pas entamée: la star britannique de la publicité n’hésite pas à utiliser des mots forts pour attirer l’attention sur les abus du secteur du marketing et de la communication.

Vous voulez un exemple?

«Dans le monde de la publicité, on produit trop de sottises que personne ne veut voir. La créativité s’incline devant les KPI. Les CMO ont perdu leur importance dans de nombreuses entreprises. Celles qui ont le droit de décider à la place voient le métier de leur CMO comme une tâche technocratique. Il suffit à la direction que le CMO soit capable de lire les chiffres que n’importe quel outil peut cracher.»

«Il a le droit?»

Un jugement strict, un verdict sévère. «Il a le droit de dire ça?» C’est la question que se posent parfois des personnes dans le public lorsque Hegarty prend la parole. «Il peut se le permettre?» La réponse est: oui, il peut. Avec ce «Chevalier de la créativité» (titre de noblesse depuis 2007!), la Poste a invité au DirectDay 2023 un conférencier que l’on peut qualifier à tous égards d’«esprit libre».

Sir John a gagné tout ce que l’on peut gagner dans le secteur de la publicité; il a représenté pratiquement toutes les marques qui intéressent les agences. Il a quitté l’exploitation quotidienne de sa propre maison emblématique, Bartle, Bogle, Hegarty (BBH), lorsque la marque a été transférée au groupe Publicis. Il continue cependant de conseiller BBH. Hegarty a écrit deux best-sellers, lancé un incubateur de start-up et créé un vignoble bio en France. Il mène désormais des masterclasses créatives dans l’espace numérique, avec quelques amis proches (comme le créateur de mode et «co-chevalier» Sir Paul Smith).

Un parcours cahoteux et des avancées courageuses

Pour en arriver là, pour devenir un «spiritus rector» de la prochaine génération qui fera salle comble au «Lions» de Cannes, même en 2023, Hegarty a dû suivre un parcours parfois cahoteux et faire preuve de courage. Après son entrée chez Cramer Saatchi en 1967, il est devenu membre fondateur lors de la transformation en Saatchi&Saatchi (l’agence existe toujours aujourd’hui, elle fait également partie du groupe Publicis). En 1973, il met en place le bureau londonien de TBWA, mais s’oppose fortement à un principe de base de l’agence: «Le chiffre d’affaires, et donc le succès, des différentes dépendances était additionné puis divisé par le nombre de sites. Je ne pouvais l’accepter.» C’est là qu’on voit l’ambition de Sir John, sa volonté d’être le meilleur. En effet, il exprime par cette déclaration que si ses collègues dans d’autres pays fournissaient un mauvais travail ou perdaient des mandats, mais qu’il faisait preuve d’une «surperformance» à Londres, ils finissaient tous ensemble par «atteindre un résultat équilibré». Pour Hegarty, c’est un tueur total de la motivation. Il en va de même pour ses compagnons John Bartle et Nigel Bogle. Ils ont tenté de négocier avec TBWA, mais n’ont pas été entendus. Ils ont donc fait leurs valises (littéralement: tous leurs dossiers ont fini dans une valise pêle-mêle outre-mer) et ils se sont lancés sur leur propre voie en 1982.

Un mouton noir

À ses débuts, BBH était certes une agence avec trois visages relativement connus à sa tête, mais il n’y avait pas de bureau, pas un seul client, pas de «plan quinquennal». Juste la volonté de faire les choses différemment du reste du secteur. Le mouton noir est devenu l’emblème de BBH, des méthodes non conventionnelles ont marqué l’écriture des fondateurs. Le fabricant de jeans Levi’s, tombé en disgrâce auprès des consommatrices et consommateurs dans les années 1980, a reçu un «pitch» sur un chantier. «Nous avons simplement affirmé que nos nouveaux bureaux étaient en train d’être construits ici», se souvient Hegarty avec un sourire en coin. D’autres clientes et clients ont été accueillis dans ce que l’on pourrait appeler des «premiers bureaux de co-working», redécorés à la hâte. Hegarty ajoute: «Les bailleurs n’étaient jamais très contents. Nous avons dû débourser beaucoup d’argent pour réparer tout ça après, si je me souviens bien.»

Je pense que nous devons faire marche arrière si nous voulons créer un nouveau départ dans le secteur.

Sir John Hegarty

Cette tactique «à pleine vitesse» a payé: Levi’s a mordu à l’hameçon et a laissé BBH engager un acteur alors totalement inconnu pour une publicité. Cet acteur s’appelait Brad Pitt. Audi a confié son slogan de marque à l’agence et BBH a imaginé «L’avance par la technologie». Pour Johnnie Walker, le «mouton noir» du secteur a trouvé «Keep Walking». L’impact de ces deux mots? Une augmentation du chiffre d’affaires de 13% pour le whisky. C’est la beauté de la publicité, la puissance de la créativité. Il faut garder cela en tête pour comprendre Hegarty et savoir ce qu’il veut dire quand il déclare: «Je pense que nous devons faire marche arrière si nous voulons créer un nouveau départ dans le secteur.»

1960 = 2023?

Pour Hegarty, le monde du marketing et de la communication s’est déjà retrouvé dans une sorte d’impasse créative dont ni les entreprises ni les agences ne trouvaient la sortie. C’était au début de sa carrière, et maintenant, plus de soixante ans plus tard, la boucle est bouclée: «Je me rappelle comment la première révolution créative dans la publicité est née. À New York, au tout début des années 1960. Certaines agences travaillaient alors avec des budgets plus modestes, mais ces clients étaient prêts à les écouter, contrairement à General Motors ou à Procter & Gamble ou à quiconque était alors considéré comme une grande entreprise. Les clients plus petits ont permis aux agences de faire un travail fantastique. Ils ont ainsi allumé des petits feux, qui sont devenus des incendies... et les gens ont commencé à le remarquer. Et puis, bien sûr, les grandes entreprises s’y sont intéressées et se sont soudain dit: "Mon Dieu, ce truc a l’air de marcher!", et ont adopté les principes.»

Cela peut-il fonctionner à nouveau aujourd’hui, alors que les spécialistes du marketing et les agences se prosternent tous à l’autel des KPI (le plus souvent numériques)? Le secteur parviendra-t-il encore une fois à se libérer des chaînes desquelles il s’est lui-même rendu prisonnier? Les avis sont partagés et, comme toujours lorsque la vie se complique, il n’y a probablement pas de réponse simple. Mais certaines personnes osent dire leur vérité individuelle; contribuer à la discussion. Qui veut faire l’expérience d’une telle personne ne doit en aucun cas, si l’occasion se présente, manquer une apparition de Sir John Hegarty.

De Johannes Hapig
L’auteur est co-rédacteur en chef de «m&k – Das Magazin für Marketing und Kommunikation».

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